Je vais vous dire pourquoi, quand j’ai rencontré le rebozo, ça a été un coup de foudre entre lui et moi…enfin, entre moi et lui plutôt.
Mais un rebozo c’est quoi ? Ça sert à quoi ?
Le rebozo, c’est une écharpe colorée plus ou moins longue selon l’usage (de 1m50 à 4m) bordée de franges.
Utilisée au Mexique, plutôt dans les régions du nord, elle est le symbole de la culture précolombienne. Aujourd’hui, un peu oublié, le rebozo est l’outil de prédilection des sages-femmes et des grand-mères dans les campagnes qui font perdurer son usage. Elles contribuent à diffuser ce savoir ancestral en Amérique du Nord et en Europe.
Une des ambassadrices les plus connues et la plus férue de ce tissu (juste après moi), c’est sans doute Frida Kahlo qui l’arborait comme une revendication à sa culture et l’histoire de son pays !
Cette étoffe a la particularité d’être tissée de façon à être légère et ajourée en même temps que très solide.
C’est sur cette souplesse que s’appuie le massage et les bercements qu’on peut pratiquer avec. En coton ou parfois en soie, il accompagne la femme de sa naissance à sa mort et les couleurs, les différents motifs marquent son appartenance à une lignée, un village.
À la naissance d’une fille, la famille offre ce tissu qui l’accompagnera dans les grandes étapes de sa vie : il est l’objet qui incarne le féminin par excellence et une mémoire humaine.
S’il pouvait parler, il dirait la naissance, les premières lunes, les grossesses, les accouchements et la transformation de femme en mère de celle qui le porte.
Il est tissé selon des techniques traditionnelles et il ne faut pas moins de 30 jours pour le réaliser (enfin pour ce qui est des authentiques rebozo et non pas les chiffons attrape touristes Made in Factory) !
Vous pouvez vous en procurer sur le site de Virginie DEROBE qui garantit leur origine https://lerebozo.fr/
Dans la vie de tous les jours, il sert de châle, pour se protéger du soleil, porter bébé ou des provisions.
Tissu des femmes, tissu de la périnatalité
Il a pleinement sa place en périnatalité.
Nos connaissances actuelles en neurobiologie viennent conforter les intuitions ancestrales.
Pendant la grossesse, serré autour du ventre ou le soutenant, il va favoriser la production le relaxine, hormone qui va permettre le relâchement ligamentaires et soulager la région pelvienne et soulager la femme du poids du ventre en fin de grossesse.
Pendant l’accouchement, il va servir à bercer entre les contractions ou se suspendre pendant la vague de douleur. La production d’endorphines (hormones naturelles agissant contre la douleur) va augmenter et provoquer une diminution douleurs lombaires, favoriser une pleine respiration, la dilatation du col et l’engagement du bébé dans le bassin.
On ne parle même pas de l’explosion d’ocytocine dans les veines de la parturiente, dans ce contexte où elle se sent enveloppée, sécurisée par la contenance du tissu, la présence de son partenaire (qui peut être l’usager du rebozo et actif) portée dans son effort, soutenue dans sa confiance, dans son corps et dans ses émotions.
Endorphines et ocytocine : le combo gagnant d’un accouchement eutocique !
Rien que pour ça, je l’aime d’amour ce tissu ! Mais ce n’est pas tout ce qu’il sait faire !
C’est son étymologie qui dit le mieux son usage possible en lien avec la périnatalité : rebozo vient des verbes « couvrir » et « s’envelopper ».
Et là, la psychanalyste qui est en moi pense « envelopper … comme faire une enveloppe psychique avec le tissu sur la peau, …un packing ! ». Serrer le tissu et contenir, rassembler le corps et la pensée de la mère qui est en train d’advenir et qui est parfois psychiquement morcelée. Relâcher le corps, le laisser se déployer dans le rebozo, mais aussi laisser le mental s’apaiser dans la présence tendre et maternante (au sens Férenczien) du binôme qui prend soin de la femme dans son cocon.
À sa sortie, elle n’est plus tout à fait celle qui y est entrée.
« En enserrant la nouvelle mère dans un cocon, qui telle une chrysalide, protège et nourrit les transformations (Doyon, 2018) », on lui permet d’accéder à sa maternalité (Racamier, 1961).
https://www.cairn.info/revue-spirale-2018-2-page-81.htm
C’est l’expérience de l’enveloppe, avatar de la poche amniotique qui va permettre une régression temporelle vers l’originaire (Delassus, 2005) mais aussi la chaleur de l’utérus présente tout le long du rituel : chaleur de l’huile pendant la phase du massage, puis celle du bain (eau ou vapeur), celle des rebozos et des couvertures du cocon et enfin celle de la tisane partagée en fin de rituel.
Vous voyez que le rebozo, c’est beaucoup plus qu’un bout de tissu !
À fortiori quand il est utilisé dans le rituel du même nom, le rebozo permet une véritable régression à ce que la psyché a de plus archaïque, aux premières expériences et sensations qui relèvent du vécu in utero.
Traversée par cette rencontre avec le bébé qu’elle a été, maternée par le binôme qui constitue « la mère suffisamment bonne» (Winnicott, 1953) pour elle, la mère va pouvoir s’identifier à la vulnérabilité de son nouveau-né et répondre au plus près de ses besoins physiologiques et psychiques. Et ainsi donner ce qu’elle a reçu, dans un « cycle du don » (Delassus, 2005) qui rend possible le devenir mère.